Qu'est-ce que la loi infirmier promulguée le 27 juin 2025 ?
La loi n°2025-581 relative à la profession d'infirmier, promulguée le 27 juin 2025, marque un tournant historique pour la profession infirmière en France. Ce texte législatif consacre pour la première fois dans le droit français un véritable statut législatif de l'infirmier, modifiant en profondeur plusieurs articles du Code de la santé publique et du Code de la sécurité sociale.
Initiée par la proposition de loi n°654, déposée le 3 décembre 2024 par les députés Nicole Dubré-Chirat et Frédéric Valletoux, cette réforme a bénéficié d'un consensus parlementaire exceptionnel. Adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 10 mars 2025, puis par le Sénat le 19 juin 2025, elle répond à des revendications de longue date de la profession.
Cette loi infirmier 2025 répond à une nécessité urgente de modernisation : le cadre législatif encadrant la profession n'avait pas connu de réforme majeure depuis 1978.
Depuis, la pratique infirmière a considérablement évolué, notamment avec l'essor des infirmiers en pratique avancée (IPA), la diversification des contextes d'intervention et la nécessité d'optimiser les parcours de soins face à la désertification médicale.
Les nouvelles compétences des infirmiers : consultation, diagnostic et prescription
Consultation infirmière et diagnostic enfin reconnus
L'avancée la plus symbolique de cette loi réside dans la reconnaissance légale de la consultation infirmière et du diagnostic infirmier. L'article 1er de la loi permet d'exclure explicitement la consultation infirmière du champ de l'exercice illégal de la médecine, dès lors qu'elle est réalisée dans des conditions définies par décret.
Cette reconnaissance apporte une sécurisation juridique fondamentale aux infirmiers, notamment libéraux, qui réalisaient déjà des consultations dans certaines structures sans fondement légal clair.
La consultation infirmière n'a pas vocation à concurrencer la consultation médicale. Mais elle portera sur des périmètres relevant du rôle propre de l'infirmier, comme le traitement des plaies simples ou la surveillance clinique.
Le diagnostic infirmier, pratique courante mais jusqu'alors non reconnue officiellement, devient désormais un acte légalement fondé. Cette évolution majeure valorise l'expertise clinique des infirmiers et leur capacité d'analyse dans la prise en charge des patients.
Pouvoir de prescription autonome inédit
La loi introduit une modification substantielle du régime des professions de santé en accordant aux infirmiers un pouvoir de prescription autonome. Cette nouveauté permet désormais à l'infirmier de prescrire de manière autonome certains produits de santé et examens complémentaires, sans prescription médicale préalable.
Jusqu'à présent, ce pouvoir prescripteur était réservé aux professions médicales ou à certaines professions à statut spécifique comme les sages-femmes ou les infirmiers en pratique avancée (IPA). La liste des produits et examens prescrits sera fixée par arrêté ministériel, sur avis de la Haute autorité de santé (HAS) et de l'Académie nationale de médecine.
Cette autonomie de prescription représente une évolution majeure qui reconnaît la compétence et la responsabilité des infirmiers dans la prise en charge thérapeutique des patients.
En quoi consiste le métier d'infirmier après la réforme ?
Quel sera le rôle des infirmiers ? De la prévention aux soins de premier recours
La loi redéfinit et élargit considérablement le rôle propre des infirmiers. Désormais codifié dans le Code de la santé publique, ce rôle comprend l'orientation du patient, la prévention, l'éducation à la santé, mais aussi la participation aux soins de premier recours.
Les nouvelles missions incluent :
- la dispensation de soins infirmiers préventifs, curatifs, palliatifs et relationnels ;
- la contribution à la conciliation médicamenteuse aux côtés des autres professionnels de santé ;
- l'orientation des patients et la coordination de leur parcours de santé ;
- la participation aux actions de dépistage et à l'éducation à la santé ;
- la contribution à la formation des étudiants et des pairs ;
- la participation à la recherche, notamment en sciences infirmières.
Cette reconnaissance législative des sciences infirmières aligne la France sur les standards internationaux en matière de recherche en soins infirmiers.
Accès direct aux infirmiers en expérimentation
La loi prévoit, sous forme d'expérimentation, l'accès direct aux infirmiers. Cette phase d'essai, d'une durée de 36 mois, sera réalisée dans cinq départements sélectionnés. Les patients pourront consulter directement un infirmier, sans prescription médicale préalable, et obtenir le remboursement de ces soins par l'Assurance maladie.
Cette expérimentation concernera les infirmiers exerçant en établissement ou en ville, dans le cadre de structures d'exercice coordonné (hôpitaux, établissements médico-sociaux, maisons ou centres de santé). Un compte rendu devra être systématiquement adressé au médecin traitant et reporté dans le dossier médical partagé, garantissant la coordination des soins.
Cette mesure s'inscrit dans une logique de réorganisation des soins primaires et de décloisonnement des pratiques, particulièrement pertinente dans le contexte actuel de pénurie médicale.
Mise en application et impact de la loi infirmier
Décrets d'application attendus par l'Ordre des infirmiers
Le Conseil national de l'Ordre des infirmiers, tout en saluant cette avancée historique, reste vigilant quant à la publication des décrets et arrêtés d'application. Sans ces textes réglementaires, les innovations prévues par la loi resteraient inopérantes.
Les textes d'application attendus incluent notamment :
- la définition des domaines d'activité et compétences infirmiers ;
- le cadre d'exercice de la consultation infirmière ;
- la liste des produits de santé et examens complémentaires prescrits par les infirmiers ;
- les modalités d'organisation de l'expérimentation d'accès direct ;
- la reconnaissance du statut d'infirmier coordonnateur en EHPAD.
La rédaction de ces textes sera déterminante pour préciser le périmètre exact des nouvelles compétences et éviter les conflits de compétence dans le parcours de soins.
Négociations sur les rémunérations et formation adaptée
La loi prévoit explicitement l'ouverture de négociations conventionnelles pour adapter la rémunération aux nouvelles compétences, à la pénibilité du métier et à la diversité des lieux d'exercice. Cette disposition constitue une base solide pour les discussions à venir avec l'Assurance maladie, même si elle ne crée pas de droit individuel à revalorisation.
Par ailleurs, cette réforme impacte directement la formation infirmière. Les formations initiales et continues devront s'adapter pour intégrer les nouvelles compétences légales, notamment en matière de consultation, de diagnostic et de prescription autonome.