Qu'est-ce que le désengagement de la sécurité sociale ?
Le désengagement de la sécurité sociale désigne le recul progressif de la part du financement public dans la prise en charge des dépenses de santé. Concrètement, cela signifie que l'assurance maladie obligatoire rembourse une part de plus en plus réduite des frais de santé, laissant aux mutuelles et aux patients le soin de combler l'écart.
Ce phénomène n'est pas nouveau. Les gouvernements successifs ont mis en place différentes mesures visant à réduire le déficit de la sécurité sociale, notamment à travers l'instauration de franchises médicales, l'augmentation du ticket modérateur sur certains soins ou encore la modification des niveaux de remboursements.
Chaque année, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) acte de nouvelles réformes qui modifient l'équilibre entre les différents acteurs du financement de la santé.
Les chiffres qui confirment le recul du financement public
La part de la sécurité sociale dans la prise en charge des soins diminue
Les données 2024 sont sans appel : le financement public de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) recule de 0,5 points en une année, passant de 79,9% à 79,4%.
Cette évolution peut sembler minime. Mais elle s'inscrit dans une tendance de fond qui illustre le désengagement progressif de l'État dans la prise en charge des dépenses de la sécurité sociale.
Face au déficit de la sécurité sociale qui demeure structurel malgré les efforts de maîtrise des dépenses, les pouvoirs publics et les partenaires sociaux peinent à trouver un équilibre budgétaire satisfaisant.
Le budget de la sécurité sociale doit composer avec des dépenses en constante augmentation, notamment en raison du vieillissement de la population et des progrès médicaux qui génèrent de nouveaux coûts.
Complémentaires santé et ménages en première ligne
Inversement, la part des complémentaires santé dans le financement de la CSBM ne cesse de croître. En 2024, les organismes complémentaires d'assurance maladie (Ocam) financent 12,8% de la CSBM, soit une augmentation de 0,3 points par rapport à l'année précédente.
Cette progression témoigne du transfert de charge qui s'opère : ce que l'assurance maladie obligatoire ne prend plus en charge doit être compensé par les mutuelles.
Les prestations versées par les organismes complémentaires ont ainsi augmenté à un rythme soutenu : +6,2% en 2024, soit deux fois plus qu'en 2022. Cela représente 32,5 milliards d'euros de prestations, soit 475 euros par habitant.
Les mutuelles restent le principal acteur de la complémentaire santé avec 14 milliards d'euros de prestations versées, devant les entreprises d'assurances (11,9 milliards d'euros) et les institutions de prévoyance (6,5 milliards d'euros).
Quant aux ménages, leur part dans le financement des dépenses de santé s'établit à 7,8% de la CSBM en 2024, en augmentation de 0,1 point. Cela représente 20 milliards d'euros qui restent directement à la charge des patients, un reste à charge qui pèse particulièrement sur les foyers les plus modestes.
Les postes de soins les plus touchés par le désengagement
Optique et dentaire : des remboursements insuffisants
Certains postes de dépenses illustrent particulièrement bien le désengagement de la sécurité sociale. C'est notamment le cas de l'optique médicale et des soins dentaires, pour lesquels le reste à charge moyen supporté par les Français atteint respectivement 22% et 23%, bien au-dessus de la moyenne générale de 8,3%.
En 2024, les organismes complémentaires financent les deux tiers de la consommation d'optique médicale (68,2%), soit 5,6 milliards d'euros ou encore 82 euros en moyenne par habitant.
Les soins dentaires sont également principalement financés par les mutuelles (48,5%), soit 6,4 milliards d'euros, représentant 94 euros en moyenne par habitant.
Le financement de ces deux postes, auxquels s'ajoutent les audioprothèses, représente à lui seul 40% du financement total de la CSBM par les complémentaires santé.
Cette situation illustre un impact direct du désengagement : les patients ayant besoin de lunettes, de prothèses dentaires ou d'appareils auditifs dépendent fortement de leur complémentaire santé pour limiter leur reste à charge. Sans une bonne mutuelle, ces dépenses deviennent rapidement un risque majeur pour le budget des ménages, pouvant même conduire certains à renoncer aux soins.
Prothèses auditives : un reste à charge considérable
Les prothèses auditives constituent un autre exemple frappant. En 2024, les Ocam versent 1 milliard d'euros de prestations pour ces dispositifs (14 euros par habitant) et en financent la moitié des dépenses. Malgré les mesures prises ces dernières années pour améliorer leur accessibilité, le reste à charge peut encore atteindre plusieurs milliers d'euros pour les patients.
D'autres équipements, comme les prothèses capillaires pour les patients atteints de cancer, restent très mal remboursés par l'Assurance maladie, obligeant les patients à compter sur leur complémentaire santé ou à assumer entièrement ces frais.
Le rôle grandissant des complémentaires santé face au désengagement
Face à ce constat, le rôle des mutuelles dans le système de santé français n'a jamais été aussi crucial. La hausse spectaculaire des prestations versées par les complémentaires santé sur tous les grands postes de dépense témoigne de ce transfert de responsabilité. Seules les audioprothèses font exception, grâce aux mesures spécifiques mises en place par les pouvoirs publics.
Au-delà des consultations chez le médecin et des médicaments, les complémentaires santé jouent désormais un rôle majeur dans la prise en charge des indemnités journalières en cas d'arrêt de travail.
En 2024, les organismes complémentaires versent 7,4 milliards d'euros de compléments d'indemnités journalières, soit une progression de 7,2% par rapport à l'année précédente. Cette hausse s'explique notamment par l'augmentation du nombre et de la durée des arrêts de travail.
Certains dispositifs récents, comme le dispositif MonPsy pour l'accès aux consultations chez le psychologue, illustrent également l'évolution du système : si l'Assurance maladie prend en charge une partie des séances, les mutuelles sont souvent sollicitées pour compléter le remboursement et permettre un réel accès aux soins psychologiques.
Les conséquences pour les assurés et l'importance d'une bonne mutuelle
Le désengagement progressif de la sécurité sociale a un impact direct sur le quotidien des Français. Selon la Cour des comptes, cette évolution représente 4,4 milliards d'euros qui sont désormais payés chaque année par les ménages au titre des soins dentaires, de l'optique et des prothèses auditives.
Cette réalité conduit inévitablement à une hausse des cotisations des complémentaires santé. Les mutuelles doivent augmenter leurs tarifs pour faire face à l'accroissement de leurs prestations. Les Mutuelles de France ont d'ailleurs alerté sur ce sujet à plusieurs reprises, soulignant que ce transfert de charge risque de mettre en péril l'accès aux soins pour les populations les plus fragiles.
Face à cette situation, la souscription d'une complémentaire santé adaptée n'est plus une option mais une nécessité. Il est primordial de choisir une mutuelle offrant de bonnes garanties sur les postes les plus touchés par le désengagement : l'optique, le dentaire, les prothèses auditives, mais aussi l'hospitalisation avec une bonne prise en charge du forfait hospitalier et des dépassements d'honoraires.

